Quand Gervais Martel reprend du service

Vénéré par certains, violemment critiqué par d’autres, Gervais Martel, l’ex emblématique président du RC Lens, n’exclut pas un retour aux affaires.

L’ancien président du Racing Club de Lens pendant presque trente ans et ancien patron du syndicat historique des clubs (UCPF) durant 15 ans, Gervais Martel, a répondu à une longue interview du quotidien Le Parisien en revenant sur les affaires en cours et en laissant entendre qu’il pourrait bientôt revenir par la grande porte.

Noël Le Graët
Heureusement qu’il est là pour battre le tempo du football français depuis deux mois parce qu’il y a un bordel sans nom. C’est évidemment compliqué pour lui : toute la pyramide qu’il avait installée s’écroule un peu. Je n’ai pas toujours été d’accord avec lui mais j’ai un grand respect pour lui. Il m’a scotché dans cette crise et depuis qu’il a été réélu alors que j’étais contre par rapport à son âge. Par les temps qui courent, sa sagesse fait du bien. Il redistribue les cartes de manière concrète, claire et précise comme il fait habituellement.

Crise dans le football français
Il n’y a plus de leaders. Avant, on n’était pas d’accord sur tout mais on allait au bout des dossiers, on se tapait dans la main et cela suffisait. Aujourd’hui, il n’y a plus de générosité spontanée. Pour qu’il puisse vivre, il faut trouver des consensus. Il n’y a pas 5 ou 6 clubs, qui tirent le football vers le haut et attirent des droits télé, et les autres. Il faut qu’ils fassent preuve d’un minimum de bon sens pour respecter tous les autres. Si des accords ne sont pas trouvés entre tous, le système va imploser. Qui seront les grands perdants ? Les plus grands clubs, justement. Dans une Ligue fermée, au bout de 10 Real Madrid-Barcelone, on veut voir autre chose. Nous sommes tous chauvins au fond de nous. Des Dijon-Strasbourg restent importants. Il y a actuellement quinze clubs de L 1 qui sont des L 2 en puissance. Le football ne peut pas vivre en circuit fermé. Il est comme ça notre football : des grosses équipes, des petites, des montées, des descentes. Si on l’oublie, on ne va pas se réveiller avec un mal de tête mais un cancer généralisé.

LFP
Personne ne parvient à être rassembleur ni à être écouté. Cela me désespère. Il y a deux syndicats en France, un pour la L 1 et un pour la L 2, quel scandale! Cela donne des strapontins aux uns et aux autres, ça leur fait plaisir en leur donnant des niveaux d’importance que l’on observe uniquement dans le football français. On est arrivé à un point de non-retour. Il faut retrouver du calme, de la sérénité de la confiance et ne plus tenir des doubles discours.
Il faudrait trouver une personne charismatique qui aligne tous les violons depuis le poste de chef d’orchestre. Malheureusement, je ne vois pas cette personne. C’était un plaisir de parler avec Pape Diouf même si on n’était pas d’accord, avec Louis Nicollin, avec Robert Louis-Dreyfus, Jean-Louis Campora. Je retrouve ce bon sens chez ceux qui s’expriment très peu comme Laurent Nicollin ou Jean-Pierre Caillot. On les entend peu mais ils agissent et travaillent. Tous les présidents de clubs sont respectables mais à force, ils usent les Français.

Jean-Michel Aulas
On le connaît Jean-Michel! Je le pratique depuis 30 ans. Il a un mérite : ce n’est pas Zorro, il fonctionne sans masque. Il défend toujours son club. Club qu’il a réussi à hisser parmi les plus grands en Europe à la force du poignet. Son comportement explique sa formidable réussite depuis 30 ans. Mais même sous la torture, il pourrait nier l’évidence. On n’a aucune surprise avec lui : il va au bout de ses idées. C’est aussi quelqu’un qui sait changer d’avis quand on discute avec lui.

Reprise de la Bundesliga
C’était nul. Le foot à huis clos m’intéresse moins. Le football, c’est à 11 contre 11 et les deux équipes vivent et se nourrissent de tout ce qu’il y a autour. Le football sans public, c’est comme Laurel sans Hardy : ça n’a aucun sens. Je n’ai pas pu aller au bout du match de Dortmund, cela m’ennuie. La définition du sport pour moi, c’est : une émotion qui est partagée.

Retour aux affaires
Je suis en train de réfléchir. Il y aura des élections à la Ligue et je pourrais intégrer le collège des indépendants du conseil d’administration. Si je peux encore être utile… L’expérience ne doit pas être totalement oubliée. J’ai toujours cherché le consensus et cela a globalement bien marché. Le football français est un tout. On croyait que Lens ne descendrait jamais et c’est arrivé. Je suis bien placé pour le savoir. Cette saison, si le championnat continue, peut-être que Saint-Etienne descend. La solidarité, ce n’est pas que l’affichage ou pour applaudir à 20 heures à la fenêtre. La solidarité de façade devient insupportable. Le football français en prend plein la gueule depuis deux mois, avec des disputes secondaires par rapport à la situation du pays et de la vie des gens. Il va falloir que la solidarité coule dans les veines et soit inscrite dans les textes, concrètement.

On l’a bien compris, ce n’est pas au sein du club que Gervais souhaite rebondir et d’ailleurs, en aurait-il l’envie et la possibilité ? Mais à bien connaître le gaillard, sa verve et sa clairvoyance, on se dit qu’il pourrait effectivement jouer un rôle important dans le renouveau du football tricolore.